HISTOIRE ET GÉOGRAPHIE : Un mariage réussi… ou une alliance forcée ?


   En Afrique comme ailleurs, il est courant de regrouper l’enseignement de l’histoire et de la géographie sous une seule appellation : « histoire-géo ». Dans les emplois du temps, dans les bulletins scolaires et même dans la tête des élèves, les deux disciplines semblent inséparables. Pourtant, si elles se croisent sur bien des points, elles ne sont pas jumelles. L’une raconte le passé et le présent des sociétés humaines, l’autre explique l’espace, le climat, les reliefs et les dynamiques naturelles qui conditionnent ces sociétés.

   Mais derrière ce couple inséparable, ne se cacherait-il pas une relation déséquilibrée ? Mariage réussi ou alliance forcée ?


1. Deux disciplines complémentaires

   L’histoire éclaire par le temps : elle met en lumière les actions, les choix et les évolutions des sociétés humaines.

  La géographie éclaire par l’espace : elle aide à comprendre les milieux, les ressources, les contraintes et les opportunités des territoires.

  Sans la géographie, l’histoire reste abstraite. Sans l’histoire, la géographie paraît sèche. Étudier les migrations, les guerres, la colonisation ou encore l’urbanisation africaine exige de croiser les deux approches.


2. Mais aussi deux logiques différentes

   L’histoire reste une science humaine : elle se base sur des récits, des sources, des témoignages, et demande une analyse critique plus proche de la littérature et de la philosophie.

    La géographie est de plus en plus scientifique : climatologie, géomorphologie, cartographie, télédétection… autant de sous-disciplines qui nécessitent des bases en mathématiques, en physique et en sciences naturelles.

  Confier l’ensemble de ces matières à un historien peut déséquilibrer l’approche scientifique, tandis que confier le tout à un géographe risque d’appauvrir la dimension humaine et narrative de l’histoire.


3. Le défi africain : des enseignants polyvalents, mais à quel prix ?

   En Afrique francophone, un seul enseignant est généralement chargé des deux matières, surtout au premier cycle du secondaire. C’est une solution pratique pour les systèmes éducatifs qui manquent de personnel. Mais cela pose plusieurs difficultés :

  • Une formation souvent incomplète : l’enseignant excelle dans sa spécialité mais « survole » l’autre matière.
  • Un risque pour les élèves : une génération peut se retrouver avec des cours de géographie très faibles, ou une histoire traitée de manière superficielle.
  • Un poids psychologique pour l’enseignant : devoir préparer deux disciplines aux logiques différentes demande un effort supplémentaire et parfois décourageant.


4. Quelles pistes pour avancer ?

  • Privilégier la spécialisation : confier l’histoire à un historien, la géographie à un géographe, tout en gardant l’intitulé « histoire-géo » dans les programmes. Ainsi, chaque discipline conserve sa profondeur et son exigence scientifique.
  • Maintenir un dialogue entre disciplines : l’enseignement doit montrer les liens entre temps et espace, mais ce dialogue peut se construire à travers des projets communs plutôt qu’un seul enseignant sur deux fronts.
  • Valoriser les parcours distincts : former les futurs enseignants dès le départ dans leur spécialité (histoire ou géographie), tout en leur donnant une culture générale de l’autre champ pour favoriser la complémentarité.
  • Adapter les manuels africains : concevoir des ouvrages rédigés conjointement par des historiens et des géographes, pour offrir aux enseignants spécialisés des ressources déjà équilibrées.


Conclusion

L’histoire et la géographie ne sont pas des sœurs jumelles, mais plutôt des cousines inséparables. Leur union dans les classes africaines a du sens, mais elle ne doit pas reposer sur un seul enseignant. Pour préserver la profondeur de l’histoire et la rigueur scientifique de la géographie, il est urgent de privilégier la spécialisation : l’historien pour l’histoire, le géographe pour la géographie.
Ce choix ne relève pas seulement d’une question académique : il engage directement la qualité de la formation des jeunes Africains, donc l’avenir de nos sociétés.

Articles les plus consultés

575 enseignants diplômés à Atakpamé : un héritage d’excellence pour le Togo

MAUVAIS PROF : Quand l'incompétence brise des destins

Bourses d’études pour enseignants africains : des opportunités en...

COURS DE RÉPÉTIONS: Quelle importance ?

CONTRAT DIDACTIQUE: Une nécessité entre Enseignant et apprenants dès le début de l'année ou simple formalité ?